Monsieur le Conseiller d’Etat,

Souvenez-vous de ces mots qu’un inspecteur de la PJ vous adressait, ce 1er février 2019.

 « Vous évoquez des « projets ambitieux et utiles pour la collectivité »,  » au bénéfice de nos concitoyens ». C’est là ma foi une bien curieuse façon de décrire le champ de ruines que vous laissez derrière vous. Une police exsangue. Épuisée. Démoralisée. Diminuée dans sa capacité de fournir les prestations de qualité auxquels nos concitoyens ont droit. Non, ce ne sont pas les syndicats qui le disent, Monsieur. Ce sont les policiers. Et ce constat, toutes les personnes sensées et raisonnables le font aujourd’hui.

J’ai eu le bonheur et l’honneur de vivre l’une des meilleures polices judiciaires du monde.  Une des plus efficaces. Une des plus inventives. Une des plus rapides d’action. Genève la méritait. Elle pouvait en être fière. Vous l’avez détruite. De façon honteuse. Vous en avez privé les Genevois, et c’est grave. 

Alors, sans aucune animosité personnelle ni amertume, mais comme mes camarades et collègues, résolument tournés vers l’avenir et la reconstruction, je vous le dis en toute sincérité : nous nous souviendrons de vous. Oh oui, indubitablement. Comme la page la plus sombre de cette institution. Et donc non, vous ne nous manquerez pas.

Si seulement vous pouviez tirer les enseignements de ce terrible échec et apprendre enfin à gérer des gens avec respect et humilité, à écouter d’autres que vous-même. À faire confiance à ceux qui savent. Ceux qui sont confrontés aux réalités. Mais hélas, le ton de votre message en dit décidément long sur votre incapacité à vous remettre en question. C’est fort dommage et j’ai bien peur que cela ne présage rien de bon.

Je souhaite donc beaucoup de courage à celles et ceux que vous dirigerez désormais. Ils en auront besoin. Assurément. »

Vous imaginez peut-être qu’aujourd’hui, nous festoyons à l’annonce de vos nouveaux déboires et de votre démission. Ça pourrait être tentant, mais même pas, figurez-vous.

A vrai dire, nous regrettons presque que les mots de ce policier aient été prémonitoires. Que ces mois lui aient donné raison. Qu’une fois encore, vous ayez réussi à briser des individus au point de sinistrer un département de plus. Vous avez assurément un certain talent pour cela.

Nous déplorons qu’il ait fallu un nouveau désastre humain pour que d’autres dénoncent un mode de fonctionnement – le vôtre – que nous avons hélas trop longtemps enduré. Quel gâchis.

Même votre attitude, lors de votre conférence de presse, toujours aussi méprisante et arrogante à l’égard de celles et ceux que vous avez blessés, ne surprend plus.

Nous pourrions, comme beaucoup d’autres, nous réjouir de votre chute vertigineuse. Il n’en est rien. Vous aviez indubitablement des qualités grâce auxquelles vous auriez pu accomplir de grandes choses si vous aviez été tourné vers les autres et non sur votre personne, et si l’intérêt public avait été votre moteur, en lieu et place de votre soif immodérée du pouvoir. En fait, nous vous plaignons. Vous êtes sans doute aujourd’hui la seule personnalité genevoise qui suscite aussi unanimement l’opprobre et la lassitude, et cela doit être lourd à porter, en dépit de votre assurance de façade.

Si cette épreuve – que vous vous infligez pour une raison qui dépasse l’entendement – mais que vous infligez surtout à notre République qui méritait tellement mieux- ne vous parvient pas à vous enseigner la remise en question, l’autocritique, et l’humilité, alors c’est le peuple qui le fera.

Vous vous sentez libre, dites-vous ? Que grand bien vous fasse. Ce sont les Genevois qui sont en réalité sur le point d’être libérés. Pas une  liberté que l’on célèbre dans la liesse, non. Une liberté recouvrée dans la douleur. Comme lorsqu’on se remet péniblement d’une longue et douloureuse maladie. Usés et las. Avec un seul espoir : pouvoir se reconstruire et ne plus la voir réapparaître.

Le comité du SPJ