Lorsque la réforme en profondeur de la LPOL a été votée par le Grand Conseil à une écrasante majorité, nous savions que rien n’était joué.

Il semblait en effet évident que, tant le DSPS de Mauro Poggia, que la direction de la police – qui jusque-là avaient tout tenté pour empêcher le vote – risquaient de faire le plus mauvais des choix : résister au changement voulu par le Parlement.

Hélas, le ton fut donné et nos craintes confirmées le 8 novembre 2022, à l’occasion du rapport d’état-major de la police (REMP), où Monsieur le Conseiller d’Etat Mauro Poggia aurait fait une apparition au cours de laquelle il aurait exhorté la direction de la police à ne pas mettre en œuvre la récente réforme; il aurait en outre affirmé que les syndicats de police avaient pris en otages la Députation.

Informés, nous nous en sommes ouvertement indignés et avons demandé des explications, ce à quoi il nous a été répondu que ce qui se disait en REMP n’était destiné ni aux syndicats, ni au personnel, sans autre forme d’explication, mais sans dénégation non plus…

Jusqu’à sa promulgation, non seulement la direction de la police s’est refusée à communiquer à son personnel, mais elle laissait entendre, « en off », que la loi ne serait jamais appliquée et que rien ne changerait.

Peu avant Noël, la nouvelle loi a été promulguée, Monsieur Mauro Poggia n’ayant manifestement pas obtenu la majorité nécessaire au sein du Conseil d’Etat pour invoquer l’art. 109 de la Constitution, auquel le Magistrat avait pourtant menacé d’avoir recours.

Pour rappel, la nouvelle loi implique notamment la refonte des silos opérationnels en une gendarmerie, permettant ainsi à la police de retrouver des effectifs de terrains suffisants, de rendre aux policiers une diversité des activités au quotidien, et de retrouver davantage de cohérence et de sens dans les missions.

Cette nouvelle loi a également pour objectif de rapatrier à Genève la formation de ses policiers et de rendre à la police judiciaire sa filière.

Or, le 21 décembre 2022, le Conseil d’Etat a publié le nouveau règlement sur l’organisation de la police (ROPol – F 1 05.01);  un règlement qui, notamment, organise la Gendarmerie en unité routière, en unité de proximité, en unité de secours et une unité diplomatique.

Faisant fi de la volonté du Législateur, le DSPS a donc décidé de maintenir cette division hermétique de la police par missions, à laquelle la nouvelle loi voulait précisément mettre un terme en raison de ses effets dévastateurs sur la qualité du service à la population notamment.

Il a simplement renommé les silos en «unités» et a pris le parti d’aller à l’encontre de l’esprit de la loi, défiant ainsi ouvertement le Parlement, et prenant le risque de péjorer encore la prestation aux citoyens.

En outre ce règlement occulte complètement l’aspect de la formation des policiers. Pire encore, dans une interview accordée à Léman Bleu, Monsieur Mauro Poggia laisse entendre qu’il fera tout pour maintenir le concept de formation unique et délocalisée, qui s’est pourtant révélé médiocre et inadapté.

Enfin, à aucun moment les associations représentatives du personnel n’ont été consultées s’agissant de l’élaboration de ce règlement.

Ce dernier est donc tout à fait inacceptable sous cette forme.

Lorsqu’il y a quelques années, la LPol a montré ses faiblesses et a causé ses premiers dommages, ses défenseurs ont plaidé qu’ «il était trop tôt pour juger des effets de cette loi, et qu’il fallait plusieurs années pour mesurer ces derniers».

Aujourd’hui, ceux-là mêmes tentent de saboter la mise en œuvre de la nouvelle loi, et refusent de lui accorder ne serait-ce qu’un jour, alors qu’elle a été votée dans le respect des valeurs démocratiques et qu’elle est entrée en force.

Entre accepter le changement, l’accompagner, collaborer en bonne intelligence et avancer dans l’intérêt public d’un côté – et de l’autre, résister, freiner, prendre le risque d’aggraver la situation et les tensions pour préserver des intérêts particuliers, ils ont manifestement choisi, et c’est regrettable.

Reste à savoir si le Législatif appréciera cette manœuvre, hélas aussi prévisible que grossière, qui constitue une fois encore une violation grave de la séparation des pouvoirs, un affront de plus fait aux institutions de notre canton et une menace sur la paix sociale, le dialogue et la reconstruction voulues par  les syndicats de police.

La rentrée promet donc une nouvelle bataille, vraisemblablement devant une juridiction.

Nous nous y étions préparés.

Notre position est et restera on ne peut plus claire : une loi a été votée, elle doit être appliquée dans le respect de son esprit. Ceux qui s’en sentent incapables doivent démissionner. Ceux qui refusent doivent être sanctionnés.