Ces derniers mois, de nombreux journalistes ont dénoncé dans les médias les graves dysfonctionnements de Savatan. Précisons que le syndicat de la police judiciaire (SPJ) a une approche constructive de l’évolution de la formation, basée sur la pratique et motivée par souci de la prestation que la police doit être à même de fournir.

Or, ce matin encore, la RTS et le Matin Dimanche parlent du surcoût de cette académie, qui vous avait été vendue comme un projet permettant de réaliser des économies. Le SPJ a toujours dénoncé les dysfonctionnements de l’académie de police de Savatan, cette dernière étant rédhibitoire car inadaptée, lacunaire et coûteuse.

POURQUOI SAVATAN POSE PROBLÈME ? 

  1. Moins de gens sont intéressés par devenir policiersSavatan rend la police moins attractive. Elle peine ainsi à recruter. Aujourd’hui, la police passe à côté de profils intéressants, de femmes et d’hommes qui refusent l’isolement et l’éloignement de Savatan, de même que sa formation et sa discipline en décalage avec la réalité. Cela est notamment le cas de jeunes parents, qui ont déjà une expérience professionnelle valorisable, mais qui ne peuvent sacrifier leur vie de famille pour retourner en caserne une année.
  2. Qui dit moins de candidats dit forcément nivellement par le bas. D’aucuns comparent Savatan à l’école des fans. Même des jeunes qui n’ont pas le niveau sont finalement repêchés et brevetés. Ce phénomène est causé par les quotas à respecter et les manques d’effectifs à combler urgemment. Plutôt que d’attirer des jeunes compétents et passionnés, Savatan promeut les postulations de gens qui choisissent la police pour des raisons de simplicité (critères d’engagement bas, formation rémunérée et facile à valider).
  3. La formation de Savatan est inadéquate et lacunaire. Les aspirants y sont mal formés. L’enseignement y est axé sur le formel et une discipline militaire poussés à outrance, tandis, que les spécificités liées aux métiers de policiers (notamment de la PJ) ne sont pas abordées. Cela induit par le dogme du policier unique et interchangeable, notion fondatrice de la LPol. En réalité, il n’y a pas un métier de police, mais des métiers dans la police. Chacun d’eux requiert une formation de spécialiste. Il est tout autant ridicule de penser que l’on peut former ensemble des policiers de différents cantons dont les réalités sont différentes (géographies, cultures, criminalités, fonctionnements, outils, etc.).
  4. Genève doit réparer les dégâts. Au final, lorsque la police genevoise récupère les stagiaires brevetés de Savatan, elle doit compléter leur formation durant 2 mois. Elle doit les « reformater », car ils n’ont pas les outils nécessaires pour travailler. Les maîtres de stages le disent. Les stagiaires eux-mêmes le reconnaissent et le déplorent. Or, ces modules complémentaires sont coûteux en personnel et en temps.
  5. Payer plus pour former moins ? Savatan devait initialement permettre de faire des économies sur la formation de la police. Il n’en est rien. Non seulement la formation est lacunaire mais elle revient plus chère.

Que constate-t-on sur le terrain ?

Nous observons l’arrivée des jeunes stagiaires qui, pour beaucoup, sont perdus, en décalage, qui ne connaissent ni les marches à suivre, ni les canevas de base de la police judiciaire, qui ne savent pas rédiger les documents police les plus basiques, qui sont toujours dans l’attente d’ordres, qui se positionnent mal face à leurs interlocuteurs, et qui s’exposent aux dangers, eux-mêmes ainsi que leurs collègues et les tierces personnes.

La militarisation : une discipline infantilisante et abrutissante

La militarisation de la formation policière à Savatan n’est pas un secret, puisqu’elle est revendiquée.

Les recrues sont isolées durant un an dans une caserne militaire, coupées de leurs familles et environnements, coupées de la société et de ses réalités. Elles font de l’école de section, marchent au pas, chantent en caserne et dans les églises, doivent apprendre un manuel de bonnes manières, subissent des inspections de l’ordre en chambre, assistent aux montées des couleurs, font des exercices enduros, des exercices de résistance à l’hypothermie, entendent jour après jour parler de la menace terroriste et des dangers de leur métier, de l’agresseur potentiel qui se cache derrière chaque individu, etc.

Relevons qu’il y a à Savatan, des aspirants qui ont une solide expérience militaire. Eux-mêmes nous disent que la militarisation de Savatan est une militarisation de bas étage. Or, rappelons qu’il s’agit d’une formation professionnelle et qui plus est d’adultes.

Ainsi, bien que la police soit organisée de manière hiérarchisée, les policiers ne sont pas des militaires et ne se reconnaissent pas dans cette formation. La police est un service public qui se doit d’être en lien avec la population pour accomplir ses missions. Le 9 novembre 1932 à Plainpalais, ce ne sont pas des policiers, mais précisément des militaires qui ont tiré sur une foule qui leur était étrangère.

La population n’a pas besoin de soldats psychorigides qui ne savent que marcher au pas et attendre des ordres pour agir. La population veut une police citoyenne, capable de discernement, d’empathie, d’initiatives et qui la comprenne pour répondre à ses besoins. 

Les conséquences et les risques

Si on accumule les facteurs suivants : nivèlement vers le bas des candidats, formation lacunaire, formation inadaptée car essentiellement militaire et axée sur la confrontation, et que vous y ajoutez un mauvais encadrement lié aux manques de sous-officiers, on crée forcément un terreau favorable aux dérapages. 

 En outre, si la police se militarise, le fossé entre cette dernière et la population se creusera.

Qu’est-ce qui doit changer selon le SPJ ?

Il faut axer la formation sur les réalités des métiers de policiers et sur leurs spécificités. Il faut consacrer plus de temps au contenu et beaucoup moins au formel et à la discipline infantilisante. La formation doit fournir aux aspirants les clés pour développer leur sens autocritique, leur prise d’initiatives et progresser.

Fondamentalement, ce qui doit changer impérativement, c’est l’image qu’on se fait d’une police idéale. Nous devons tous nous poser cette question : Quelle police veut-on pour demain ? Une police militaire généraliste qui obéit sans prendre d’initiative ? Ou une police de spécialistes, réalistes et prenant des initiatives ; une police citoyenne telle que Genève formait auparavant ?

Une alternative à Savatan existe

Tous les problèmes susmentionnés n’existaient pas lorsque la formation se déroulait à Genève. De plus, elle était moins onéreuse. Alors pourquoi notre Magistrat de tutelle persévère-il ? Probablement par peur que son image soit ternie par l’aveu de son erreur.  Cependant, la corriger serait non seulement possible, mais une preuve d’intelligence.

 

Revue de Presse

https://m.tdg.ch/frontpage

https://www.rts.ch/info/regions/vaud/9508111-l-esprit-trop-militaire-regnant-a-l-academie-de-police-de-savatan-irrite.html

https://m.24heures.ch/articles/5af1a9faab5c373fe9000001

http://m.20min.ch/ro/news/geneve/story/25681349

https://www.migrosmagazine.ch/en-suisse-la-formation-de-policier-reste-axee-sur-la-violence

http://www.arcinfo.ch/articles/regions/canton/savatan-coute-deux-fois-plus-358349

https://www.rts.ch/info/regions/vaud/9600069-l-academie-de-police-de-savatan-vd-est-la-plus-chere-de-suisse.html